Tomas de Perrate en la obra "Carmen" artículo de liberation

«Carmen», philtre gitan
Spectacle. Juliette Deschamps adapte la nouvelle de Mérimée en y instillant chant flamenco, clairons et tambours.
Envoyé spécial à Lyon François-Xavier GOMEZ

QUOTIDIEN : lundi 21 juillet 2008

Rouge, Carmen adapté et mis en scène par Juliette Deschamps d’après Mérimée. Le 29 juillet aux Estivales à Perpignan (Campo Santo, 21 h 45). En tournée en 2009 (Nîmes, Aix-en-Provence, Opéra-Comique à Paris…)

En 1845, la Revue des deux mondes publie (en trois épisodes) une nouvelle inspirée à Prosper Mérimée par un séjour en Andalousie. Trente ans plus tard, l’opéra de Bizet transforme la Gitane cigarière en mythe : depuis cette date, Carmen n’a jamais cessé d’inspirer le théâtre, l’opéra ou le cinéma. «Pour moi,explique Juliette Deschamps, Carmen est un archétype aussi puissant que Vénus, Aphrodite ou Marilyn Monroe. Pourquoi nous passionne-t-elle encore aujourd’hui ? C’est ce mystère que je voulais approcher.»

«Défi». Jeune metteure en scène venue de l’opéra, elle écarte pourtant Bizet pour revenir à la lettre de Mérimée. Et va chercher auprès de Gitans sévillans la musique qui va accompagner la tragédie : clairons et tambours de la Semaine sainte, chant flamenco. Sur les conseils de Patrick Bellito, du festival de flamenco de Nîmes, Juliette Deschamps est allée à Utrera, province de Séville, chercher les musiciens du spectacle. Tomás de Perrate, issu d’une famille «qui a inventé le chant flamenco», proclame-t-il à juste titre, et son guitariste franco-espagnol Antonio Moya ont tout de suite accepté l’idée.«Le défi pour moi, confie le cantaor, était de faire l’acteur. J’ai l’habitude de chanter assis, plus rarement debout, ici, je chante en me déplaçant, en accomplissant des mouvements qui ne me sont pas naturels. J’ai dû trouver des solutions.» Le guitariste ajoute : «Nous, artistes flamencos, répétons très peu, tout passe par la complicité entre le chanteur et le guitariste, fruit d’une collaboration de plusieurs années. Ici, nous avons appris la rigueur, la discipline, et ça nous a fait le plus grand bien.»

La metteure en scène sourit : «Quand je me suis lancée dans l’aventure, j’ai souvent entendu : "Travailler avec des Gitans, tu sais dans quoi tu t’embarques ? Ils ne seront jamais à l’heure aux répétitions, ils n’en feront qu’à leur tête." C’est tout le contraire qui s’est produit : ponctuels, attentifs à la moindre indication. Un vrai bonheur.» Et puis, les Gitans ne cachent pas leur amour pour Carmen : «Nous l’adorons, c’est tout sauf une putain», affirme Tomás. Et le guitariste ponctue : «Elle se défend avec ses armes, en cela elle est très gitane.»

Dans l’arène figurée sur scène par le peintre Miquel Barceló, un cercle incliné recouvert de sable, Don José (l’intense Bruno Blairet) refait à rebours le récit de sa déchéance. Carmen apparaît et disparaît, feu follet auquel Chloé Réjon insuffle un charme empoisonné. Dans une langue élégante et précise, Mérimée manie la dérision ou l’ironie, multiplie les rebondissements. Le son perçant des clairons vient pourtant rappeler que le dénouement sera tragique.

Rituels. Le drame consommé, une saeta s’élève, chant lancé comme une flèche, le Vendredi saint en Andalousie. Passion du Christ et passion amoureuse se superposent, les rituels de mort (de Carmen, du toro dans l’arène) se répondent. Après la création à Lyon et une halte à Perpignan, cette belle réussite d’une jeune femme de scène sera en tournée

article posted by:José Luis Cortés, Area

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